Chaïm Zhitlovsky (1865-1943) était un philosophe, penseur et écrivain socialiste, il fut le vice-président de la conférence de Cernowitz en 1908.
Sa pensée se caractérise notamment par le rejet du sionisme tel qu'il existe alors et met l'accent sur un "nationalisme de la diaspora". Ce nationalisme se fonde entre autres sur le yiddish, s'opposant ainsi et aux assimilationnistes qui rejettent l'idée d'une nation juive particulière et aux sionistes qui veulent fonder celle-ci sur le retour au passé (géographique et linguistique).
(extrait d'un article de Rachel Hirshkan-Miller paru dans la Parizer Tsaytshrift n°32, 1963, pp. 38-66)
AAA - Et vous-même, docteur Zhitlovsky, le yiddish compte-il pour vous ? C'est à dire, quand vous parlez yiddish pour exprimer vos pensées et vos sentiments, êtes-vous plus satisfait que lorsque vous utilisez dans le même but le russe, le français ou l'anglais, langues que nous vous avons entendu parler volontiers ?
AAA Zhitlovsky écouta avec attention, pencha la tête avec un air joyeux et répondit avec le ton calme qu'il utilisait lors de ses conférences :
AAA - Il m'est plus facile de traiter d'un sujet scientifique en russe, ou dans les autres langues que vous avez rappelées. En yiddish, je dois faire plus d'efforts, défricher de nouvelles terres, créer des termes scientifiques qui n'existent pas en yiddish. Nos intellectuels laissent de côté la langue que le peuple a façonnée. Ils ne veulent pas reconnaître ce peuple comme un peuple et la langue de ce peuple comme une langue, et en conséquence, ils n'apportent pas leur contribution à cette langue comme l'ont fait et le font les intellectuels de tous les autres peuples du monde...
Sa pensée se caractérise notamment par le rejet du sionisme tel qu'il existe alors et met l'accent sur un "nationalisme de la diaspora". Ce nationalisme se fonde entre autres sur le yiddish, s'opposant ainsi et aux assimilationnistes qui rejettent l'idée d'une nation juive particulière et aux sionistes qui veulent fonder celle-ci sur le retour au passé (géographique et linguistique).
(extrait d'un article de Rachel Hirshkan-Miller paru dans la Parizer Tsaytshrift n°32, 1963, pp. 38-66)
AAA - Et vous-même, docteur Zhitlovsky, le yiddish compte-il pour vous ? C'est à dire, quand vous parlez yiddish pour exprimer vos pensées et vos sentiments, êtes-vous plus satisfait que lorsque vous utilisez dans le même but le russe, le français ou l'anglais, langues que nous vous avons entendu parler volontiers ?
AAA Zhitlovsky écouta avec attention, pencha la tête avec un air joyeux et répondit avec le ton calme qu'il utilisait lors de ses conférences :
AAA - Il m'est plus facile de traiter d'un sujet scientifique en russe, ou dans les autres langues que vous avez rappelées. En yiddish, je dois faire plus d'efforts, défricher de nouvelles terres, créer des termes scientifiques qui n'existent pas en yiddish. Nos intellectuels laissent de côté la langue que le peuple a façonnée. Ils ne veulent pas reconnaître ce peuple comme un peuple et la langue de ce peuple comme une langue, et en conséquence, ils n'apportent pas leur contribution à cette langue comme l'ont fait et le font les intellectuels de tous les autres peuples du monde...
AAA - Qu'est-ce à dire de nos Sholem Aleichem, Perets et autres grands écrivains ? me seconda quelqu'un du "cercle".
AAA - Je ne parle pas ici des belles-lettres yiddish. Les belles-lettres ont déjà leurs anciens et plus jeunes, voire tout jeunes, artistes qui lavent, polissent et purifient leurs oeuvres. Je parle de la science et de la philosophie, répondit Zhitlovsky avec sa patience caractéristique. Un peuple a des droits sur sa langue et le peuple juif a créé sa propre langue, le yiddish. Le yiddish est notre langue nationale et ma mission en tant que Juif-socialiste est de travailler sur la langue de mon peuple.
Il réfléchit un instant et dit : Ceux qui veulent déclarer irrecevable mon socialisme à cause de ma yiddishkayt et les autres, qui veulent déclarer irrecevable ma yiddishkayt à cause de mon socialisme, se rendront compte, le temps aidant, que les Juifs ne peuvent rester un peuple juif que dans une économie socialiste.
AAA - Et que ferez-vous en Israël, où l'on ne vous a récemment pas permis de parler yiddish et où l'hébreu est, ou sera, la seule langue nationale ? demanda un autre membre du cercle qui essayait de faire rester plus longtemps auprès de nous notre cher Zhitlovsky.
AAA - N'oubliez pas, jeune homme, dit Zhitlovsky avec un sourire calme, que pour le moment ils sont une colonie anglaise. De plus, ils devront observer et bien réfléchir au sujet. Dans le cas contraire, il s'exposeront à un grand danger. Cela les éloignera du peuple juif dans tous les pays ; sans la littérature et la langue yiddish, ils se sentiront comme une pauvre secte.
ײדיש- אײך אַלײן, ד״ר זשיטלאָװסקי, גײט־אָן ײדיש ? דאָס הײסט, װען איר רעדט ײדיש אַלס מיטל אױסצודריקן אײערע געדאַנקען און געפֿילן, האָט איר מער באַפֿרידיקונג, װי אַז איר באַנוצט זיך פֿאַר דעם זעלביקן צװעק מיט רוסיש, פֿראַנצױזיש, ענגליש, צי דײטש - שפּראַכן, װעלכע מיר האָבן געהערט און באַמערקט, אַז איר רעדט זײער פֿרײ ?AAA - Je ne parle pas ici des belles-lettres yiddish. Les belles-lettres ont déjà leurs anciens et plus jeunes, voire tout jeunes, artistes qui lavent, polissent et purifient leurs oeuvres. Je parle de la science et de la philosophie, répondit Zhitlovsky avec sa patience caractéristique. Un peuple a des droits sur sa langue et le peuple juif a créé sa propre langue, le yiddish. Le yiddish est notre langue nationale et ma mission en tant que Juif-socialiste est de travailler sur la langue de mon peuple.
Il réfléchit un instant et dit : Ceux qui veulent déclarer irrecevable mon socialisme à cause de ma yiddishkayt et les autres, qui veulent déclarer irrecevable ma yiddishkayt à cause de mon socialisme, se rendront compte, le temps aidant, que les Juifs ne peuvent rester un peuple juif que dans une économie socialiste.
AAA - Et que ferez-vous en Israël, où l'on ne vous a récemment pas permis de parler yiddish et où l'hébreu est, ou sera, la seule langue nationale ? demanda un autre membre du cercle qui essayait de faire rester plus longtemps auprès de nous notre cher Zhitlovsky.
AAA - N'oubliez pas, jeune homme, dit Zhitlovsky avec un sourire calme, que pour le moment ils sont une colonie anglaise. De plus, ils devront observer et bien réfléchir au sujet. Dans le cas contraire, il s'exposeront à un grand danger. Cela les éloignera du peuple juif dans tous les pays ; sans la littérature et la langue yiddish, ils se sentiront comme une pauvre secte.
( : בעת אַ שמועס־קרײז מיט חײם זשיטלאָװסקין טוט ראַשעל הירשקאַן-מילער אַ פֿראַגע)
ײדישזזשיטלאָװסקי האָט זיך אײנגעהערט, אַ שאָקל געטאָן מיטן קאָפּ צופֿרידן און אינעם רואיק טאָן פֿון זײנע רעפֿעראַטן האָט ער געענטפֿערט :
ײדיש- מיר אַלײן איז גרינגער דורכצוקריכן מיט אַ װיסנשאַפֿטלעכע ענין אין רוסיש אָדער אין די אַנדערע שפּראַכן, װאָס איר האָט דאָ דערמאָנט. אױף ײדיש דאַרף איך שװערער אַרבעטן, אױסרײסן װילדע גראָזן, שאַפֿן װיסנשאַפֿטלעכע טערמינען, װעלכע זײנען נאָך נישטאָ אין ײדיש. אונדזער אינטעליגענץ איגנאָרירט די שפּראַך, װאָס דאָס פֿאָלק האָט געשאַפֿן. זי װיל נישט אַנערקענען דאָס פֿאָלק וױ אַ פֿאָלק, און די שפּראַך פֿון פֿאָלק, װי אַ שפּראַך, אַון זי טראָגט דערפֿאַר נישט צו איר חלק צו דער שפּראַך, װי דאָס האָט געטאָן און טוט די אינטעליגענץ פֿון אַלע פֿעלקער אין דער װעלט...ט
ײדיש- װאָס איז װעגן ונדזערע - שלום־עליכם, פּרץ און אַנדערע גרױסע ײדישע שרײבער ? - האָט אײנער פֿונעם "קרײז" מיר אַרױסגעהאָלפֿן.
ײדיש- איך רעד דאָ נישט פֿון דער שײנער ײדישער ליטעראַטור. די שײנע ליטעראַטור האָט אירע עלטערע, ײנגערע און גאָר יונגע קינסטלער, װאָס פּוצן, שלײפֿן און לײטערן זײערע װערק. איך רעד דאָ פֿון דער װיסנשאַפֿט און פֿיליזאָפֿיע - האָט זשיטלאָװסקי מיט זײן ספּעציפֿישן געדולד געענטפֿערט. - אַ פֿאָלק האָט אַ רעכט אױף זײן שפּראַך און דאָס ײדישע פֿאָלק האָט באַשאַפֿן זײנע אײגענע שפּראַך - ײדיש. ײדיש איז ונדזער נאַציאָנאַלע שפּראַך און מײן מיסיע אַלס ײד־סאָציאַליסט איז צו אַרבעטן אױף דער שפּראַך פֿון מײן פֿאָלק. - ער האָט אַ רגע אַ טראַכט געטאָן און צוצוגעבן : - יענע, װעלכע װילן פּסלען מײן ײדישקײט איבער מײן סאָציאַליזם און די אַנדערע, װאָס װילן פּסלען מײן סאָציאַליזם איבער מײן ײדישקײט, װעלן זיך מיט דער צײט איבערצײגן, אַז ײדן קאָנען נאָר בלײבן ײדן אַלס פֿאָלק אין אַ סאָציאַליסטישער װירטשאַפֿט.
ײדיש- און װאָס װעט איר טאָן אין ארץ־ישראל, װו מ'האָט ערשט נישט לאַנג צוריק אײך נישט געלאָזט רעדן אין ײדיש, און װו העברעיש איז, אָדער װעט װערן די אײנציקע נאַציאָנאַלע שפּראַך ? - האָט אַן אַנדערער פֿונעם קרײז געזוכט װאָס לענגער אױפֿצוהאַלטן אַרום אונדז אונדזער באַליבטן זשיטלאָװסקי.
ײדיש- כאַפּט נישט, יונגערמען - האָט זשיטלאָװסקי מיט אַ רואיקן שמײכל געזאָגט - דערװײל זײנען זײ ערשט אַן ענגלישע קאָלאָניע. דערנאָרך װעלן זײ זיך מוזן אַרומקוקן און גוט באַטראַכטן דעם ענין. אױב נישט, װעט עס זײן פֿאַר זײ אַ גרױסע געפֿאַר. עס װעט זײ דערװײטערן פֿון דעם יידישן פֿאָלק אין אַנדערע לענדער ; זײ װעלן זיך דערפֿילן װי אַן אָרעמע סעקטע, אָן דער יידישער ליטעראַטור, אָן דעם ײדישן לשון.
ראַשעל הירשקאַן-מילער, מײן באַקאַנשאַפֿט מיט ד״ר חײם זשיטלאָװסקי, פּאַריזער צײטשריפֿט נ. 32, 1963, ז. 66-38.ן
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